Contexte
J’ai 22 ans, cela fait maintenant 4 ans que je fais du triathlon et suite à l’Ironman 70.3 aux sables d’Olonne en juillet 2023, j’ai ressenti l’envie de faire plus, de tenter quelque chose de plus grand, de plus challengeant… un Ironman.
Je me suis donc laissé une année de préparation avant cet objectif, qui sera l’Ironman de…Vitoria-Gasteiz, au Pays Basque.
Pourquoi cet Ironman en particulier ?
Tout d’abord, parce que c’est le plus proche de chez moi.
Mais surtout parce que le parcours à vélo se compose de 2,5 boucles (2 grandes et une petite), et le marathon se fait en 4 boucles dans le centre ville de Vitoria. J’avais envie que ma famille puisse venir me supporter et voir la course au maximum, donc le parcours s’y prêtait parfaitement.
Préparation
Pour préparer cette course, je fais appel à Pierre Henri de https://endurxpert.com (pour ne pas faire de bêtises, étant donné que j’avais déjà une fragilité aux tibias).
Les semaines d’entrainement oscillent entre 10h et 15h, avec quelques grosses semaines proches des 17h.
Et elles se composent généralement de 2 séances de natation, 2 à 3 séances de vélo, 3 à 4 séances de course à pied, et une séance de renforcement/musculation.
J-20
Suite à une séance de squats, je sens une douleur vive dans le bas de mon dos, puis progressivement dans ma fesse et toute ma jambe gauche.
Après un diagnostic du médecin, c’est une sciatique. Je n’arrive plus à m’entrainer (même marcher me fait mal).
J’ai essayé toutes les techniques, kiné, osthéo, anti-inflammatoires, massages, froid, argile, baume du tigre… tout y passe, mais la douleur reste présente.
Entre ce jour et l’Ironman, je ne réussirais à faire que 2 séances de vélo et 2 natations.
J-5
Arrivé en Espagne, la douleur s’est légèrement atténuée, mais reste très vive…
Je commence à reprendre espoir et je me dis qu’avec les jours qui restent et en serrant les dents, ça devrait le faire.
Mais au moment de sortir le vélo de la voiture… crac !
Le dos se re-bloque, impossible de bouger.
La confiance est au plus bas, et je ne sais même pas si je pourrais prendre le départ.
À ce moment là, c’est 1 an d’entrainement qui s’effondre. J’ai du mal à positiver car le moindre mouvement me fait mal.
Je décide tout de même d’aller chercher mon dossard, et je prie pour qu’un miracle se produise. J’essaie de me motiver comme je peux, mais je vois mal comment je pourrais terminer la course, étant donné que je n’ai pas couru depuis 2 semaines. C’est l’inconnu total, et le seul objectif sera de rejoindre la ligne d’arrivée sans me détruire, peu importe le temps.
Jour-J
Réveil 5h, la nuit a été courte et je sais que la journée va être longue.
Nous prenons le petit déjeuner à l’hôtel, une galette de pomme de terre et des oeufs. Ça fera l’affaire.
Je prépare les dernières affaires à mettre dans le sac de transition (la nutrition et les bidons) puis nous partons prendre le bus.
Le départ de la course et la transition 1 se font à Landa, environ 20km au nord est de Vitoria.
Pour éviter de surcharger le lieu, Ironman a affrété des bus spécialement pour l’occasion. Avec 4 points de départ dans la ville.
Je rentre l’adresse de l’arrêt le plus proche sur le GPS, nous avons 7 minutes à pied, c’est large !
En arrivant à l’arrêt indiqué, personne, rien, pas un panneau Ironman, pas un athlète, pas un supporter.
Après un petit moment de doute, je vérifie l’adresse dans le guide Athlète qu’Ironman nous avais envoyé. L’arrêt de bus est en fait à 35 minutes à pied de notre emplacement actuel. Le GPS s’est complètement trompé.
Il est 6h35, je suis en tong, et le dernier bus part à 7h.
Pas le choix, il va falloir se dépêcher… Courir 25 minutes en tong le matin d’un Ironman, ce n’est pas la meilleure des idées, mais c’est la seule solution.
Au final, nous arrivons à l’arrêt de bus, qui nous emmènera au départ.
Natation
Une fois les affaires posées dans le parc à vélo, je décide de m’échauffer rapidement dans l’eau, histoire de faire monter le cardio, et de voir comment va le dos.
Il est 8h00, c’est le départ des pros hommes.
Le notre est à partir de 8h22, je prends le temps de manger un dernier gel, j’enfile le bonnet “I Will Become One” qu’Ironman à fournis aux athlètes pour lesquels c’était le premier, et je me dirige vers le départ.
Je sens l’émotion monter au moment du discours du speaker. C’est pour ce moment que je m’entraine depuis 1 an, et après tout ce qu’il s’est passé, j’espère pouvoir y arriver…
Je me positionne dans le sas de départ des 1h20, l’objectif était de nager à 2:00 au 100m, mais je préfère partir prudemment, pour ne pas laisser trop d’énergie sur cette épreuve.
8h40, c’est à mon tour de partir. Je m’élance pour les 3800m de natation.
Le début de la natation est un vrai bonheur, j’arrive à bien placer ma nage, je suis tranquille et je ne fais que doubler.
Le parcours est une boucle, avec une ligne droite d’environ 1700m, un virage de 400m et le retour de 1700m.
Psychologiquement, c’est assez rassurant d’arriver au virage, parce qu’on sait qu’il ne reste plus qu’à revenir au parc à vélo. Mais je suis gêné sur toute la première ligne droite par le soleil, qui tape droit dans les yeux dès que je respire à gauche.
Finalement, je nage en amplitude, sans trop me fatiguer jusqu’à la sortie de l’eau. Je regarde la montre, 1h16 ! Parfait, c’est exactement ce que j’espérais. Le contrat est rempli sur cette épreuve.
La partie vélo est longue et il va faire chaud. Je prends donc le temps en T1 pour m’assurer de ne rien oublier.
Tout est bon, après 8 minutes de transition c’est parti pour le vélo.
En sortant, j’entends ma mère, Quentin et Chloë qui m’encouragent. Ça me booste vraiment parce que je sais que je ne vais pas les revoir tout de suite.
Vélo
Le parcours vélo de cet Ironman affiche 1200 mètres de dénivelé, il se divise en 3 boucles (2 de 70km, et une de 40km), avec des petites côtes.
Je ne me suis pas fixé d’objectif de temps, simplement de rester autour des 135 battements par minutes (au coeur), pour garder de l’énergie sur le marathon.
La première boucle se passe très bien, je me sens bien et la douleur au dos se fait discrète.
Je me fais beaucoup doubler, mais je garde l’objectif de fréquence cardiaque en tête et je relativise, la journée va être longue, il ne faut pas se cramer maintenant.
Vers le 40ème kilomètre, plusieurs motos font signe de rester sur le côté droit de la route. Ce sont les premiers qui arrivent (déjà), un groupe de 3 pros dont Robert Kallin et Sam Laidlow nous dépassent à une vitesse folle ! Ils sont déjà au 100ème kilomètre, c’est impressionnant.
La première boucle se passe très bien, je croise mes parents, Quentin et Chloë au moment de passer proche de Vitoria, ça me fait du bien.
Pour terminer la boucle, il faut retourner à Landa, c’est une portion de route qui monte quasiment tout le long jusqu’au lac.
A partir de la deuxième boucle, les choses commencent à se compliquer, il fait plus chaud, donc il faut adapter la vitesse pour rester dans les zones de fréquences cardiaques.
Je m’arrête à presque tous les ravitaillements pour prendre une bouteille d’eau pour boire, et une autre pour m’arroser.
En plus de ça, mon dos commence à se réveiller et j’évite la position sur les prolongateurs, car je sens le nerf sciatique qui tire dans toute ma jambe gauche.
Initialement, je prévoyais de manger une demi barre Cliff, un gel Maurten et une pâte de fruit par heure.
Sur la fin de la boucle, il fait très chaud, je commence à avoir du mal à manger ce que j’avais prévu.
Mais j’ai bu beaucoup d’eau et la nutrition ne passe quasiment plus.
Au final, je re-croise toute ma famille à la fin de la deuxième boucle, ça fait un bien fou au moral.
Il ne reste que la petite boucle de 40km environ, sur un parcours différent des autres boucles. C’est plus divertissant et ça aide à faire passer la fin de cette épreuve plus vite.
En arrivant dans Vitoria, je suis content d’avoir terminé, mais je n’ai qu’une question en tête : Est-ce que je vais pouvoir courir avec mon dos.
Au final, je pose le vélo en 6h53. Relativement frais, mais je n’ai rien mangé depuis 30min.
Course à pied
3 minutes de transition, un pipi, et c’est parti pour la course à pied.
Le marathon se fait en 4 boucles de 10,5km dans le centre ville de Vitoria.
L’ambiance est folle dans les rues de la ville, tout le monde encourage, chante, j’entends mon prénom partout.
L’objectif de fréquence cardiaque sur le marathon était autour des 140 battements par minutes, mais les premiers kilomètres sont tellement gavés de monde que je frôle les 160bpm.
Difficile de ralentir avec cette foule, mais il va falloir le faire pour terminer ce marathon.
Les 10 premiers kilomètres sont un bonheur, j’ai des bonnes jambes, je me sens bien, et miracle, je n’ai pas mal au dos !
C’est à partir du 12 ème kilomètre que les choses commencent à se compliquer. Je n’ai toujours pas mangé sur la course, et je sens que je n’ai plus beaucoup d’énergie.
J’essaie de manger un gel Maurten, mais à peine dans ma bouche, je suis obligé de le recracher pour ne pas vomir.
Du 12 au 25 ème kilomètre, j’ai un énorme passage à vide. Il n’y a plus aucune énergie dans la machine, mon dos me fait mal et je suis obligé de marcher et de m’arrêter pour étirer le nerf sciatique à l’arrière de ma jambe.
Heureusement, je peux compter sur ma famille et sur Chloë, qui se déplacent pour me soutenir à de nombreux endroits du parcours, ainsi que sur l’ambiance dans les rues de la ville, c’est la seule chose à laquelle je m’accroche pour continuer de courir.
À partir du 25ème kilomètre, je me bats pour continuer d’avancer, mais il ne reste aucune énergie. Je n’ai toujours rien mangé, et je sais que les derniers kilomètres risquent d’être compliqués en continuant comme ça.
Sur un ravitaillement, je tente de manger des mais salés grillés et quelques bonbons, ça passe plutôt bien. Le fait de manger quelque chose de solide fait un bien fou, et je décide d’en prendre sur chaque ravitaillement jusqu’à la fin.
À ce moment là, je prends un gros coup de boost. La finish line n’est pas loin, plus qu’une dizaine de kilomètres, ça va le faire.
Il est 21h environ, la plupart des coureurs ont déjà terminé, et il ne reste plus beaucoup de supporters sur le parcours. Les derniers kilomètres sont au mental.
En arrivant au ravitaillement du 40 ème kilomètre, je prends le temps de m’arrêter boire et manger une dernière fois.
Un bénévole m’interpelle en me disant : “You look, so young, how old are you ?” (Tu as l’air jeune, quel age as-tu ?)
Ce à quoi je réponds : “I’m 22”
Et il me dit : “Waouw, you are 22 and you will become an Ironman” (Waouw, tu as 22 ans et tu vas devenir un Ironman !)
C’est exactement à ce moment que j’ai pris conscience. Il ne restait que 2km, c’était bon. J’allais terminer cette course.
Les deux derniers kilomètres sont un vrai bonheur, il m’a tellement motivé. Je double une quinzaine d’athlètes qui marchent et courent.
La finish line est a quelques centaines de mètres, j’essaie de profiter de ce moment unique lorsque je franchis les arches de la Plaza Espana, on entend le speaker, la foule, l’ambiance est incroyable.
Je vois ma mère dans les tribunes, puis Chloë et Quentin, tout le monde est là et heureux.
La ligne d’arrivée dont je rêve depuis que j’ai commencé le triathlon est là, à quelques pas. J’entends le speaker crier “Tom Sauvion de la France, You Are An Ironman !!!”.
L’émotion en passant cette Finish line après 13h59 d’effort est incroyable. Je verse une petite larme en pensant au chemin parcouru.
C’est terminé, je l’ai fait, j’ai réussis. L’objectif pour lequel je m’entraine depuis 1 an est atteint !